« Queen & Country », par Rucka, Rolston et Hurtt, chez Semic Noir.
La lecture des deux tomes de « Whiteout » parus l'an dernier chez Akiléos nous avait montré que Greg Rucka pouvait largement s'inspirer de la réalité contemporaine pour créer ses histoires, fût-il par ailleurs tout à fait à l'aise dans les univers de super-héros comme Batman ou Superman. Avec « Queen & Country », le scénariste va plus loin encore dans le réalisme. Aidé par deux dessinateurs qui ne laisseront pas leur nom dans l'histoire mais qui servent le récit sans vouloir faire trop d'effets gratuits, Rucka nous propose de suivre les pas de quelques personnages du service action des services secrets de Sa Gracieuse Majesté. Au centre des deux récits de ce premier recueil, une femme, Tara Chace, agent de terrain, que l'on envoie au Kosovo afin d'y abattre un russe mafieux pour rendre service à la CIA. D'emblée, Rucka nous plonge dans la réalité d'aujourd'hui, soignant les détails, faisant tout en sorte pour rendre crédible son histoire. Et ça marche. Ça marche même très bien. D'un bout à l'autre du livre, le lecteur a le sentiment de pénétrer les petits secrets du S.I.S. en passant du Kosovo au territoire national (avec guerre des polices, code d'honneur des terroristes comme des agents de Sa Majesté et autres histoires de la vie quotidienne du « bureau ») puis en Afghanistan. Si l'album commence sur les chapeaux de roues par une scène d'action brillamment menée, le scénariste prend ensuite davantage de plaisir à tracer les contours psychologiques de ses principaux personnages, leurs ressorts, leurs failles. Et la seconde histoire va plus loin encore, puisqu'elle exploite parfaitement le trouble dans lequel Tara Chace se trouve au terme du premier récit pour en faire l'un des éléments principaux de la résolution de l'énigme. Le lecteur découvrira, surpris, que les agents de terrain à la vie trépidante, ont été sauvés par la curiosité opiniâtre de celle qui est restée à Londres, contrainte et forcée, pour éplucher les dossiers ! Intelligente, bien documentée, mêlant habilement complications diplomatiques et implications humaines, parfaitement en phase avec les événements de notre époque, cette nouvelle série aux antipodes de James Bond constitue un bel exemple de ce que la BD américaine peut produire dans le domaine réaliste.